« Le petit groupe pénètre donc dans ce lieu qui s’avère être un petit bijou de boiseries et de peinture blanc laqué, presque immaculé. Au fond, un large bureau précède un homme. Tous le reconnaissent immédiatement. Monsieur Jacob. Derrière lui, un de ses conseillers se tient debout. Jared fronce les sourcils en l’apercevant. Cet homme faisait partie du jury lors de son jugement. Jacob leur fait signe de s’asseoir, d’un geste de la main. Jared et Serena prennent les deux chaises présentes dans la pièce, tandis qu’Eliott et Marc restent debout, juste derrière eux.
— Madame Da Chiesa, Messieurs, bonjour.
Sa voix grave vient percer le silence avec douceur.
— Bonjour, répond Serena, par politesse.
Marc et Eliott hochent la tête, Jared lui, ne bouge pas d’un cil. Le temps presse.
— Je viens de prendre connaissance de la situation. Elle s’avère plutôt critique.
Jared perd patience. La rythmique lente et mesurée, imposée par Jacob, ne lui convient plus.
— Il faut agir, et vite.
Le ton qu’il vient d’employer semble fortement déplaire à Monsieur Jacob qui se charge aussitôt de le lui faire remarquer.
— Monsieur Wilson, je peux comprendre votre inquiétude, néanmoins je vous prie de bien vouloir rester à votre place. Pour agir, il faut avant tout établir une stratégie. Surtout au vu des circonstances.
— De quelles circonstances parlez-vous ? l’interroge Serena.
— Si l’auteur de ce kidnapping s’avère effectivement être William Brown, comme nous le soupçonnons, il faudra agir avec prudence. Son influence est plus importante qu’il n’y paraît…
— Je ne suis pas sûre de comprendre…
— Ça signifie que des membres de l’Autorité sont impliqués dans son business ! s’agace Marc.
Le regard fuyant de Monsieur Jacob vient confirmer ses propos. Jared grogne.
— Que comptez-vous faire ?
— Nous allons agir avec méthode.
— Quand ?
— Dans quelques heures, le temps d’établir un plan bien défini et de localiser Monsieur Brown.
Jared ne peut contenir son impatience.
— On ne peut pas attendre !
D’un bond, il se redresse de sa chaise.
— Vous n’irez nulle part, Monsieur Wilson, lâche froidement le conseiller, qui avait gardé le silence jusqu’alors.
En bon ami qu’il est, Marc pose sa main sur l’épaule de Jared, le suppliant du regard de se calmer. Ce dernier soupire.
— Si vous voulez bien nous suivre, nous allons rejoindre les agents qui encadreront l’intervention.
À son tour, M. Jacob se lève de son fauteuil et invite le petit groupe à l’accompagner vers la sortie. Le téléphone de Serena se met à vibrer.
— Mince, c’est Charlie. Personne ne lui a rien dit ?
Au vu du silence régnant, la négative semble l’emporter. La belle brune inspire profondément pour prendre son courage à deux mains et décroche.
— Allo, Charlie ?
Elle quitte le couloir et s’éloigne vers l’accueil pour discuter tranquillement avec lui, et pour lui annoncer la mauvaise nouvelle. Monsieur Jacob indique à la standardiste de guider « Madame Da Chiesa » vers la salle de commandement dès qu’elle aura terminé sa conversation téléphonique, puis il poursuit son chemin. Derrière une lourde porte de bois, les trois amis découvrent une salle gigantesque, où se côtoient de larges étagères recouvertes de vieux livres poussiéreux, et une immense table ovale de réunion. Sur ce meuble imposant est étalé un plan de Londres. Quelques annotations aux marqueurs sont inscrites dessus. Plusieurs personnes équipées de gilets pare-balles sont présentes dans la salle, une majorité d’hommes, ainsi que deux femmes. Jared et Marc reconnaissent immédiatement l’une d’elles, qui était également présente dans le jury du tribunal. Monsieur Jacob s’approche de la table et tout le monde l’imite.
— Agent Kyle, qu’avez-vous décidé finalement ?
La chevelure blonde relevée en chignon strict, la femme, ex-membre du jury, s’avance. Jared lui lance un regard furieux, déplacés ce jour-là. La quinquagénaire n’en tient pas compte, ne se concentrant que sur Monsieur Jacob.
— Monsieur Brown a été aperçu par l’un de nos espions, hier soir près des bois de Highgate, ici plus précisément.
Son index vient pointer une zone recouverte de marqueur.
— Il est rentré dans une habitation désaffectée et n’en est pas ressorti pour l’instant. Nous avons donc de fortes raisons de penser qu’il s’y cache. Une ancienne maison close.
À ces mots, Jared déglutit, tentant de garder son calme.
— Ce connard l’a probablement remise au goût du jour, raille Marc, avant de venir taper du poing sur l’épaisse table en bois.
Personne ne relève. L’atmosphère pesante qui règne dans cette pièce rappelle celle des réunions d’avant-guerre. Ces rassemblements de gradés n’ont rien de nouveau pour Mars. Mettre en place une stratégie pour limiter le nombre de « dégâts collatéraux » non plus. Et ce soir, il risque fort d’y en avoir.
Serena fait irruption dans la pièce, s’excusant d’un sourire gêné, pour son retard.
— Je viens avec vous, lâche Jared, le regard noir.
— Je viens aussi, ajoute Marc.
Serena croise alors les bras, l’air faussement irrité :
— Vous ne comptez tout de même pas me laisser sur la touche ? Je viens moi aussi, et Charlie sera de la partie.
Seul Eliott, en retrait, ne sait comment se positionner.
— Marc, je…
— Tu resteras ici, en nous attendant, tu n’es pas prêt, c’est bien trop risqué.
Le jeune apprenti ne répond rien, simplement soulagé de ne pas prendre part aux festivités.
— Bien, toute personne souhaitant participer à l’intervention sera équipée d’un gilet pare-balles. Vous devrez impérativement respecter les ordres de l’agent Kyle, ici présente, pour votre sécurité, et pour celle de mademoiselle Parker. Suis-je bien clair ?
Son ton se veut menaçant cette fois. Son regard défie Jared.
— Suis-je assez clair, Monsieur Wilson ? Pas d’agissement stupide ! Vous suivez les ordres. Point.
— Très clair, grommèle ce dernier.
— Bien. Agent Kyle, passons à la stratégie d’attaque, si vous le voulez bien. »